QUESTIONS 53 La politique monétaire de la BCE peut‐elle infléchir les politiques économiques nationales ?
Intro :
La BCE est à la tête de l’eurosystème depuis le 01/01/1998 et elle gère le système monétaire en Euros depuis le 01/01/1999. Elle est donc amenée à jouer un rôle important dans la conduite de la politique monétaire.
Les BCN, elles, appliquent les mesures de politique monétaire décidées par la BCE. On peut alors se demander si cette politique monétaire peut infléchir les politiques économiques nationales.
Dans un premier temps, nous verrons quels sont les objectifs de la politique monétaire de la BCE et à travers les outils dont elle dispose, nous verrons que cette politique peut infléchir les politiques économiques nationales. Dans un second temps, nous verrons toutefois que cela n’est pas suffisant et que la politique monétaire de la BCE a des limites et qu’elle doit être conduite en parallèle des politiques économiques nationales.
Première partie : les objectifs monétaires de la BCE et les outils à sa disposition.
Deux objectifs principaux : la lutte contre l’inflation et le soutien aux politiques économiques en vue de contribuer à la réalisation d’objectifs tels que la croissance, l’emploi, la cohésion économique et sociale.
Le Traité de Maastricht fixe ces deux objectifs et notamment une inflation de 2% maximum.
1) La lutte contre l’inflation :
• L’inflation peut avoir un effet néfaste sur le pouvoir d’achat des ménages mais aussi sur les créanciers. L’inflation peut alors provoquer une baisse de la consommation mais également jouer sur l’épargne.
• L’inflation peut avoir un effet bénéfique sur les débiteurs. Ils auront une somme moindre à rembourser. Cela renforce l’effet de levier et favorise l’investissement.
• L’inflation peut être également néfaste sur la compétitivité-prix avec l’extérieur. Si l’inflation est plus forte dans un pays par rapport à un autre, il faut déprécier le taux de change pour rétablir la parité des prix.
Donc quand la BCE lutte contre l’inflation, elle peut jouer sur la consommation, l’investissement, le taux de change et la compétitivité qui sont autant de variables importantes dans une politique économique. La politique monétaire influe donc sur les politiques économiques nationales. En effet, en fonction des décisions de la BCE les pays doivent adapter leurs politiques budgétaires, fiscales, etc…
2) La contribution à la croissance, l’emploi, la cohésion économique et sociale:
• La création monétaire exercée par la BCE grâce aux taux directeurs est chargée de réguler la quantité de monnaie dans un pays. Ainsi si les taux baissent, les banques vont plus facilement prêter et cela aura alors pour effet de jouer sur la consommation des ménages et aussi sur l’investissement des entreprises notamment avec un effet de levier renforcé. Donc la création monétaire peut ici influencer les politiques économiques. Cependant cela peut créer de l’inflation ou le mécanisme inverse. La BCE anticipe ces phénomènes quand elle fixe les taux directeurs et influent directement sur les politiques économiques.
• Les réserves obligatoires : la BCE peut imposer aux banques de maintenir des avoirs de la banque commerciale à la BCE. La banque commerciale est alors obligée de moins prêter et donc cela a de nouveau un effet sur l’économie.
En résumé, en contrôlant le volume de masse monétaire en circulation dans un pays, la BCE peut maîtriser l’inflation, permettre une croissance régulière et lutter contre le chômage. La politique monétaire influence donc directement les politiques économiques nationales. Mais est-ce que cela est suffisant ?
Deuxième partie : en quoi la politique monétaire n’est pas suffisante pour infléchir les politiques économiques nationales ?
1) La lutte contre l’inflation : objectif primordial de la politique monétaire.
Le Traité de Maastricht définit les objectifs de la BCE notamment par le fait que la politique monétaire de la BCE doit soutenir la croissance mais « sans préjudice » sur la lutte contre l’inflation. On voit donc ici les limites des outils de la BCE pour influer sur les politiques économiques.
Le rôle des taux directeurs ou encore des réserves obligatoires et de la gestion de la masse monétaire dans son ensemble sera alors limité en terme de soutien de la croissance dans la mesure où l’inflation sera présente.
2) Les outils de la BCE peuvent être inefficaces seuls.
La politique actuelle de la BCE est une politique de taux bas pour relancer l’économie et nous sommes dans un contexte où l’inflation quasi nulle. Or la BCE peine à peser sur l’économie, pour preuve le taux d’inflation est de 0,2% en France.
En effet, en l’absence de visibilité et de capacité à pouvoir anticiper l’avenir, les entreprises n’investissent pas malgré les taux bas. La crise de 2008 a ébranlé la confiance des agents économiques et ceux-ci sont moins sensibles aux effets de taux.
La baisse de la valeur de l’Euro du fait de l’augmentation de la monnaie doit permettre de relancer la croissance via les exportations. Mais les principaux clients des pays européens sont les européens eux-mêmes. Les importations deviendront donc toujours plus onéreuses.
L’augmentation de liquidités dans l’économie grâce notamment au Quantitative Easing (QE) n’a pas permis non plus de relancer l’investissement. En effet, un des principaux moteurs de la croissance demeure la baisse des prix des matières premières or la BCE souhaite relancer l’inflation.
En conclusion : on peut donc dire que les objectifs et les mécanismes de la BCE dans la conduite de la politique monétaire influent sur les politiques économiques nationales. Cependant cette politique monétaire au regard de l’actualité n’est plus suffisante et les pays doivent conduire en parallèle des politiques de relance, de soutien à la fois structurelle et conjoncturelle. La gestion de la quantité de monnaie en circulation n’en reste pas moins un outil indispensable et l’effet d’annonce des taux directeurs est toujours un moyen d’influer sur les décisions des différents pays de l’UE.