Question 60 : Pourquoi et comment une banque centrale agit-elle sur la masse monétaire ?
Introduction :
Le marché monétaire est le lieu d'intervention privilégié d'une banque centrale pour piloter l'argent disponible circulant dans l'économie.
Lieu virtuel rassemblant les institutions financières, le marché monétaire au sens large constitue l'une des composantes principales du financement de l'économie.
A la différence du marché obligataire, les instruments qui s'y échangent sont à court terme, soit d'une durée de vie inférieure à un an.
Dans un sens plus restreint, il constitue aussi le canal de transmission de la politique monétaire décidée par la banque centrale, en l'occurrence la Banque centrale européenne (BCE) pour la zone euro ou la Réserve fédérale américaine (FED) aux Etats-Unis. La banque centrale, appelée institut d'émission, est en charge du volume d'argent circulant dans sa zone économique.
Il y a création monétaire lorsque dans une économie la quantité de monnaie en circulation augmente à un moment donné.
Pour mesurer la création monétaire, il est nécessaire de constater l’évolution de la masse monétaire d’une période sur une autre. Pour cela est utilisé l’agrégat M1 (les agrégats étant au nombre de trois) qui comprend la monnaie fiduciaire (pièces et billets de banque) et la monnaie scripturale (dépôts à vue dans les banques commerciales) détenue par les agents économiques. C’est donc la masse monétaire au sens strict.
Et c'est par l'intermédiaire des trésoriers des banques et des établissements de crédit avec qui elle est en contact qu'elle ajuste ces disponibilités monétaires afin d'éviter, avant tout, que l'inflation ne dérape et n'érode sérieusement le pouvoir d'achat de sa monnaie. C'est la principale mission de la BCE.
Nous allons ainsi voir dans un premier temps pourquoi les banques centrales ont la nécessité d’agir sur la masse monétaire de leurs états ou zones, pour ensuite analyser comment elles contrôlent ces volumes.
1ère partie : Pourquoi une banque centrale agit-elle sur la masse monétaire ?
La BCE définit et met en œuvre la politique monétaire de la zone euro (pays ayant adopté l’euro comme monnaie commune) depuis 1999.
Son objectif principal est de veiller à la stabilité des prix (en veillant à ce que le taux d’inflation annuel de la zone euro reste inférieur à 2 %)
Les banques centrales de chaque pays membres de la zone euro constituent le relais permettant cette mise en œuvre concrète au niveau national de la politique monétaire décidée par la BCE.
En France, il s’agit de la Banque de France.
La Banque Centrale Européenne et les 28 banques centrales de la zone euro constituent le Système Européen de Banques Centrales (SEBC).
Les risques d’une création monétaire excessive ou insuffisante sont nombreux.
Une création monétaire trop importante peut être à l’origine de l’inflation qui traduit un phénomène de hausse des prix dans une économie donnée.
En effet, plus la création de monnaie est excessive par rapport à la création de richesses, plus la monnaie perd de sa valeur.
Si la masse monétaire augmente trop, et que l’argent abonde sans que la production des biens (logements, automobiles, appareils ménagers...) ne suive, des pressions inflationnistes verront inévitablement le jour.
Dans ce cas, il faut donc davantage de monnaie pour acheter la même quantité de biens, ce qui reflète donc une hausse des prix. Et si l'inflation croit, la valeur de la monnaie se déprécie rapidement.
D'où l'importance cruciale de bien cibler le volume de cette masse d'argent mis à la disposition des ménages et des entreprises.
Il est donc essentiel que l’évolution de cette masse monétaire soit surveillée et régulée par des interventions d’une banque centrale.
2ème partie : Comment une banque centrale agit-elle sur la masse monétaire ?
Dans ce but, la BCE dispose de trois moyens d'intervention : agir directement sur le volume de liquidités, agir sur le prix de ces liquidités, agir sur le montant des réserves obligatoires.
Pour réguler le volume, la BCE organise régulièrement une procédure de prises en pension. Chaque banque de la zone euro lui soumet ses besoins à venir. La banque centrale décidera seule si elle doit satisfaire toutes les demandes ou non. Dès lors, elle retirera ou injectera des liquidités. Pour les obtenir, les banques devront s'acquitter d'un intérêt mais devront aussi déposer auprès de la banque centrale des titres - généralement des obligations du Trésor - en gage. Ces titres sont en quelque sorte une caution, une garantie, en cas de non-remboursement de la somme empruntée pour la semaine. A côté de ses opérations régulières et habituelles, la BCE peut décider d'intervenir ponctuellement en cas d'urgence si la situation l'exige.
Les banques sont donc à l’origine de la création de monnaie, sous une forme scripturale (plus de 90% de la masse monétaire), à l’occasion de leurs opérations de crédit.
Lorsqu’une banque commerciale octroie un crédit à une entreprise ou à un ménage, cela entraîne une augmentation d’un montant égal de la masse monétaire.
Le crédit accordé fait apparaître sur le compte de l’emprunteur une somme qui n’existait pas auparavant. C’est pourquoi on dit que ce sont les « crédits qui font les dépôts ».
A l’inverse, l’opération de remboursement du crédit par l’agent économique non financier se traduit par une destruction de monnaie.
Ainsi la masse monétaire augmente lorsque les crédits sont supérieurs aux remboursements.
Pour réguler la création de monnaie scripturale, la Banque centrale agit sur son taux d’intérêt directeur (c’est-à-dire sur le taux de refinancement des banques commerciales).
Ainsi, une hausse du taux d’intérêt directeur de la banque centrale est répercutée sur les taux d’intérêts débiteurs des banques commerciales afin d’assurer sa rentabilité. Le coût du crédit devient alors plus élevé pour les agents économiques, cela entraîne une réduction de la création monétaire et donc de la masse monétaire. Il doit en résulter un ralentissement de l’inflation.
A l’inverse, une baisse du taux directeur de la banque centrale se traduit par une baisse des taux d’intérêts débiteurs des banques commerciales et donc par une hausse des crédits accordés aux agents économiques. Il en résulte une augmentation de la masse monétaire, un accroissement de la consommation et des investissements qui favorisent la croissance de l’économie.
Dans ce cas, la BCE n'agit donc pas sur le volume des liquidités mais sur leur coût. Le but est de rendre le crédit plus cher et de limiter les ardeurs emprunteuses des ménages et des entreprises.
Troisième moyen pour freiner la croissance des liquidités, la banque centrale peut décider de relever le montant des réserves obligatoires que doit constituer chaque banque auprès d'elle. Ces réserves, rémunérées faiblement, sont directement liées aux montants de crédits que les banques ont accordés à leurs clients. Si la BCE décide d'augmenter la part de ces réserves, elle espère, là aussi, freiner le rythme d'expansion des crédits à l'économie.
En France, les crédits accordés par les banques aux entreprises et aux ménages expliquent environ 80% de la création monétaire. Mais il y a aussi les opérations qui consistent pour les banques à financer le déficit public.
Enfin, il y a les opérations qui consistent pour les banques à acquérir des devises contre des euros auprès des agents économiques résidents.
Ex : Si Madame T. échange des dollars contre des euros à son retour des Etats-Unis, il y aura davantage d’euros en circulation dans l’économie française et donc de création monétaire.
Conclusion :
Les banques commerciales, en accordant des crédits sont donc à l’origine de l’essentiel de la création monétaire. Leur pouvoir de création est toutefois limité par les fuites en monnaie centrale qui exigent un refinancement auprès de la banque centrale et régulé par la Banque Centrale Européenne qui contrôle la quantité de monnaie en circulation grâce à son taux directeur (dit taux de refinancement). Cette action sur le taux directeur permet à la banque centrale européenne de veiller à la stabilité des prix dans la zone euro, principal objectif de la politique monétaire.